Je l'ai constaté bien souvent, avec agacement : parce qu'ils sont « de la capitale », beaucoup de Parisiens ont tendance à fanfaronner lorsqu'ils se déplacent en province. Ils ne peuvent s'empêcher d'afficher, à l'égard des autochtones, un léger sentiment de supériorité, teintée de condescendance. C'est une attitude à la fois stupide et totalement injustifiée. Il était temps qu'on vienne leur dire et leur démontrer qu'il y a d'autres capitales nationales, en France, d'autres villes –et même des villages– dont les habitants auraient de bonnes raisons, eux aussi, de se hausser du col et qui gardent néanmoins une modestie de bon aloi. Capitales de la tomate, du nougat, de la camomille, du rideau en mousseline, du coton-tige ou du football, peu importe, ces localités sont toutes des « n° 1 » dans leur domaine. Elles tiennent une place de premier plan dans notre économie. Et elles ne ménagent pas leurs efforts pour s'y maintenir. Merci, Xavier Louy, d'avoir pris l'initiative de les recenser, de les sortir de l'ombre et de les hisser enfin sur le piédestal qu'elles méritent. Énorme travail, qui n'avait jamais été mené, jusqu'à présent, avec un tel esprit encyclopédique, mais qui se révèle extrêmement riche d'enseignements.
Malgré des siècles de centralisation, au cours desquels Paris n'a cessé de capter les ressources et les talents de la province, malgré la tourmente provoquée plus récemment par la mondialisation, on s'aperçoit que ce vieux pays reste d'une incroyable diversité et d'une vitalité inespérée, jusque dans les espaces les plus reculés, parfois, de son territoire. En 1947, le géographe Jean-François Gravier publiait un ouvrage dont le titre se voulait prémonitoire : Paris et le désert français. On en est loin. C'est au contraire le visage d'une France dynamique, ingénieuse, aux multiples savoir-faire qui se dessine au fil des pages et qu'on détaille avec une inlassable curiosité.
On découvre aussi que les communes et les régions ont gardé une identité forte, qui leur a permis de résister à la « macrocéphalie » parisienne mais qui provoque, de-ci de-là, d'amusantes querelles de clocher. S'il y a des capitales incontestables, d'autres sont plus difficiles à déterminer, et la rivalité entre les localités candidates au titre peut prendre alors des dimensions épiques. Toulouse, Carcassonne et Castelnaudary n'ont pas fini de se disputer l'honneur d'être la capitale du cassoulet ! Mais cette émulation, qui peut revêtir des aspects pittoresques, est finalement très productive.
Ancien directeur du Tour de France, Xavier Louy était particulièrement bien placé pour mener à bien cette réhabilitation d'une « province » dont les trésors sont encore trop méconnus. Pendant douze ans, il n'a cessé de sillonner les plus petites routes de l'hexagone pour définir et baliser le tracé de l'épreuve cycliste, en contact permanent avec les élus locaux. Pour les soutenir dans leurs actions de développement touristique, il a ensuite créé, avec Jean-Jacques Descamps, l'association des Plus Beaux Détours de France, qui compte en son sein, d'ailleurs, quelques-unes des mille communes prétendant au prestigieux titre de capitale. Ce livre est une autre manière, pour lui, de braquer les projecteurs et d'attirer l'attention du public sur cette France multiple, dont j'ai pu mesurer moi-même, au cours de mes nombreux reportages, l'infinie richesse.
Puisse-t-il aider nos décideurs nationaux à en prendre également conscience, pour les inciter à mieux accompagner le formidable effort des maires et des forces vives du pays.
Pierre Bonte